Séance du mercredi 25 novembre. Responsable scientifique : Jean-Christophe Fricain. Conférenciers : Nathalie Rei, Adel Kauzman, Michel El-Hakim
Épidémiologie du cancer buccal, des notions importantes. En Europe et en Amérique du Nord, le cancer est la deuxième cause de mortalité après les maladies cardiovasculaires. Les facteurs de risques sont le tabac, l’alcool, l’indice de masse corporelle (IMC), la faible consommation de fruits et légumes et le manque d’exercice. Le tabac représente le facteur de risque étiologique le plus important de l’ensemble des cancers. 80 à 90 % des cancers de la cavité buccale sont liés à la consommation de tabac et d’alcool.
En 2005, le cancer buccal était le quatrième cancer le plus fréquent chez l’homme. En 2012, ce type de cancer régresse à la huitième place, toujours en termes de fréquence.
La mortalité demeure cependant élevée pour ce type de cancer, car, malheureusement, 70 % des cancers de la cavité buccale sont diagnostiqués à un stade avancé contre, par exemple, 43 % pour le cancer colorectal. La morbidité est importante pour la maladie. Il faut noter de plus que les thérapeutiques dans les cancers buccaux avancés sont souvent mutilantes, entraînant des séquelles lourdes de conséquences.
Chirurgien-dentiste et élimination des facteurs de risques. Le chirurgien-dentiste peut jouer un rôle majeur. En effet, 60 % des patients sont en contact avec un praticien. Avant toute chose, il faut évaluer les intentions et motivations des patients. Tous ne sont pas « prêts à arrêter » de fumer. Pour les patients en phase de préparation, l’approche motivationnelle pourra être abordée. Elle consiste à être empathique, à respecter le choix du patient, à éviter de faire la morale, à poser des questions ouvertes et à souligner le fait qu’il s’agit d’un choix personnel (« vous le faites pour vous et non pour quelqu’un d’autre »). Le chirurgien-dentiste doit pouvoir aborder les possibilités de la pharmacothérapie (thérapie de remplacement nicotinique, Zippant®, Champix®), car elle semble efficace selon les études. En l’absence de contre-indication médicale, elle apporte une aide au patient, notamment en permettant de soulager les symptômes liés au sevrage. Si la cigarette électronique semble être une phase de transition vers l’arrêt intéressante, l’effet de l’inhalation du propylène glycol est cependant encore inconnu.
La consommation tabagique et alcoolique produit aussi des effets en « profondeur » en initiant des altérations moléculaires des gènes notamment impliqués dans le contrôle de la croissance cellulaire. La durée de ces addictions est aussi importante, car leurs effets néfastes sont cumulatifs avec les années.
Le pronostic de ces pathologies peut être amélioré par l’élimination des facteurs de risque, des examens réguliers des tissus mous et une meilleure gestion des lésions potentiellement malignes (diagnostic, traitement et suivi). D’où l’importance des connaissances du chirurgien-dentiste pour favoriser le dépistage précoce.
Les lésions potentiellement malignes sont blanches, rouges ou mixtes. Cela correspond à un tissu altéré sur lequel les risques d’apparition de cancer sont plus grands que sur un tissu sain. L’altération peut être morphologique (macroscopique ou microscopique) et moléculaire (invisible lors de l’examen clinique ou microscopique).
Lésions potentiellement malignes de la cavité buccale. On y retrouve la leucoplasie, l’érythroplasie, l’érythroleucoplasie, les lésions blanches associées à la consommation du tabac sans fumée et la chéilite actinique.
La gestion clinique des lésions potentiellement malignes doit tenter d’en limiter ou d’en arrêter la progression, car les cancers buccaux sont souvent précédés par des lésions non invasives. Les objectifs du traitement vont consister à empêcher la transformation maligne (non systématique) et à éliminer les lésions potentiellement malignes. Le traitement chirurgical passe par l’excision au laser ou au scalpel pour les lésions à haut risque, c’est-à-dire en présence de dysplasie sévère ou de dysplasie modérée (lésion non homogène et site à haut risque). Les facteurs en faveur d’un risque de transformation maligne sont l’apparence clinique de leucoplasie (homogène : 1 à 7 % des cas, non homogène type érythroleucoplasie : 18 à 47 % des cas), la présence et le degré de dysplasie et d’autres facteurs comme l’âge, le site de la lésion (langue, plancher, oropharynx), la présence de facteurs de risque associés et l’étendue de la lésion.
Le cancer le plus fréquent au niveau de la cavité buccale, le carcinome épidermoïde, est une lésion mixte se présentant sous forme d’ulcération chronique. Il est asymptomatique ou donne un léger inconfort au stade débutant. Il peut présenter une induration associée à des douleurs et paresthésies à un stade avancé. Le chirurgien-dentiste doit penser à l’éventualité d’un carcinome épidermoïde lors de présence de prothèse instable, d’une dysphagie et d’otalgie, d’adénopathie cervicale ou d’infiltration des tissus avoisinants avec une limitation de mobilité de la langue.
Le traitement du cancer buccal peut varier. On retrouve la chirurgie, qui consiste à exciser la lésion primaire avec une marge de sécurité de 1 à 1,5 mm, avec ou sans dissection ganglionnaire, la radiothérapie avec modulation d’intensité (IMRT), la chimiothérapie, la thérapie moléculaire (de plus en plus investiguée).
Lorsqu’une élimination tissulaire est nécessaire, la reconstruction post-chirurgicale doit faire partie de la planification thérapeutique. De même, les complications secondaires aux traitements (mucosite stomatite dermite, dysphagie, xérostomie temporaire et carie de radiation, perte de poids, ostéoradionécrose) doivent être anticipées et une surveillance instaurée après une information claire du patient.
En résumé, il faut établir un diagnostic précoce, déterminer le risque de transformation maligne, éliminer les facteurs de risque, décider du traitement et établir un suivi clinique à long terme pour éviter toute propagation de ces lésions.
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